mercredi 17 décembre 2014

Mamadou Dokoré Bah

Végétation
En vérité, un seul obstacle eût été rédhibitoire pour les Peuhls, et il faut bien dire que sous cette latitude il serait tout naturel, c’est la forêt. Car celle-ci, surtout la forêt vierge, tropicale, est hostile au parcours. Et les Peuhls, passionnés du bétail, renonceraient à l’Eden plutôt qu’à une vache. Or, il n’y a pas un seul lambeau de vraie forêt dans ces montagnes. A tel point qu’on peut se demander s’il y en il jamais eu.
Le climat actuel, avec sa saison sèche si longue, est celui qui convient à la savane arborée. A quoi les forestiers rétorquent : c’est la destruction de la forêt par l’homme qui est cause de cette péjoration climatique. Nous prouvons que le Fouta fut jadis le domaine de la grande forêt: d’abord par les essences des galeries forestières, le long des marigots permanents; ensuite par les îlots de forêt qui se reconstituent spontanément et très vite dans nos parcelles réservées ou classées, à condition que nous les protégions sévèrement contre les feux de brousse des paysans noirs: c’est le cas des environs de Dalaba où sont revenues les fougères arborescentes elles-mêmes.
Enfin, jusque dans les contrées les plus épuisées et dégradées, comme le plateau des Timbi, la coupe du sol révèle des horizons superposés qui sont le témoin irrécusable de la forêt disparue. Bref, aujourd’hui, il ne reste plus que trois types essentiels de paysages végétaux : la brousse, plus ou moins arborée suivant le cas: buruure si elle n’est que taillis, fitaare si elle a des allures de bois,c’est ce que l’on brûle pour que la cendre végétale fertilise le sol du lougan. La prairie, clairsemée de Kouras (Parinarium excelsum) au port de chêne, et de Télis (Erythrophleum guineense), tantôt sur la bordure inondable le long des marigots (dunkiire), tantôt sur l’argile tapissant un plateau (hollaande), tantôt sur les sables qui colmatent une dépression (ndantaari).
Dans certains cas, cette prairie, tels le « hollaande » du plateau de Labé, est si dégarnie qu’on a peine à y trouver le bois nécessaire à un feu domestique: un des premiers blancs qui y furent, Hecquart, s’en plaignait déjà en Juillet 1851.
Reste enfin le boowal quand le ruissellement arrachant sables, argiles et limons laisse à nu la cuirasse latéritique. C’est une vaste surface désertique et torride en saison sèche, jalonnée par les champignons des termitières. Les cynocéphales s’égayent en aboyant à l’approche du voyageur toujours pressé de fuir cette étendue désolée. En hivernage toutefois les graminées consentent à y verdir. Ce qui est évident, c’est que le bowal existe depuis de très longs siècles. Si forêt il y a eu (et cela est plus que probable), il est certain qu’elle était déjà très attaquée par les occupants antérieurs, vrais responsables de l’affreux massacre.
Au contraire, c’est à coup sûr parce que sur les trois quarts de la superficie du Fouta-Djalon ils ont trouvé le boowal que les Peuhls sont venus.

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