dimanche 1 mars 2015

                                                              AMADOU HAMPATE BA
Comment parler des Peuls et du Fouta sans rendre Hommage à ce grand Homme qu'était Amadou Hampâté BA. Ses années de travaux pour la conservation et le partage de la culture Peul et Africaine est un témoignage pour l'Humanité entière. Vous trouverez une petite biographie ci-dessous ainsi que des extraits de son chef d'oeuvre "Amkoullel l'enfant Peul" que je vous incite à lire pour apprendre sur des aspects très spécifiques de la culture Peul.

« Un enfant Peul grandira dans une double fidélité : à un véritable code de l’honneur et à un total respect de la volonté maternelle. Le jeune peul, nourri du récit des hauts faits de ses ancêtres, devra régler sa conduite d’après un code moral exigeant ; il y aura donc des choses qu’un peul bien né refusera de faire.
Après l’honneur, voici la seconde partie du diptyque : la mère. Un peul peut désobéir à son père, jamais à sa mère. La règle est absolue. »

« En Afrique traditionnelle, l’individu est inséparable de sa lignée, qui continue de vivre à travers lui et dont il n’est que le prolongement. C’est pourquoi, lorsqu’on veut honorer quelqu’un, on le salue en lançant plusieurs fois non pas son nom personnel (ce que l’on appellerait en Europe le prénom) mais le  nom de son clan : « Bâ ! Bâ ! » ou « Diallo ! Diallo ! » ou « Cissé ! Cissé ! » car ce n’est pas un individu isolé que l’on salue, mais, à travers lui, toute la lignée de ses ancêtres. »

« Pas si vite ! s’écriera sans doute le lecteur non Africain, peu familiarisé avec les grands noms de notre Histoire. « Avant d’aller plus loin, qu’est-ce donc, d’abord, que les Peuls, et que les Toucouleurs ? »
Commençons par mes ancêtres les Peuls. Si la question est facile à poser, il est peu aisé d’y répondre, car ce peuple pasteur nomade, qui a conduit ses troupeaux à travers toute l’Afrique de la savane au sud du Sahara depuis l’océan atlantique jusqu’à l’océan indien, et cela pendant des millénaires, constitue à proprement parler une énigme de l’Histoire. Nul n’a encore pu percer le mystère de ses origines. Les légendes et les traditions orale des Peuls font presque toute référence à une très antique origine orientale. Mais, selon les versions, cette origine est parfois Arabe, yéménite ou palestinienne, parfois Hébraïque, parfois plus lointaine encore, prenant sa source jusqu’en Inde. Nos traditions évoquent plusieurs courants migratoires venus « de l’Est » à des périodes très anciennes, et dont certains, traversant l’Afrique d’Est en Ouest, seraient arrivés jusqu’à la région du Fouta Toro, au Sénégal – région d’où beaucoup plus tard, à une époque plus proche de nous, ils repartiront vers l’Est en de nouveaux flux migratoires.
Quant aux savants et chercheurs européens, intrigués, peut-être par l’apparence physique des Peuls, par leur teint relativement clair (qui peut foncer selon le degré de métissage), leur nez long et droit et leur lèvres souvent assez fines, ils ont essayé, chacun selon sa discipline (histoire, linguistique, anthropologie, ethnologie), de trouver la solution de cette énigme. Chacun y est allé de son hypothèse, mettant parfois autant d’énergie à la défendre qu’à combattre celle des autres, mais aucun n’a apporté de réponse certaine. On s’accorde le plus souvent à donner aux Peuls, sans préciser davantage, une origine plus ou moins orientale avec un degré très varié de métissage entre un élément non nègre, sémitique ou hamitique, et les Noirs soudanais. Pour les historiens Africains modernes, les Peuls seraient d’origine purement Africaine.
Quoi qu’il en soit, et c’est là l’originalité profonde des Peuls, à travers le temps et l’espace, à travers les migrations, les métissages, les apports extérieurs et les inévitables adaptations aux milieux environnants, ils ont su rester eux-mêmes et préserver leur langue, leur fonds culturel très riche et, jusqu’à leur islamisation, leurs traditions religieuses et initiatiques propres, le tout lié à un sentiment aigu de leur identité et de leur noblesse. Sans doute ne savent-ils plus d’où ils viennent mais ils savent qui ils sont. « Le Peul se connaît lui-même », disent les Bambaras. »
« Au gré de mille circonstances historiques plus ou moins connues, les Peuls furent en effet éparpillés comme des feux follets dans toutes les zones herbeuses de la savane africaine au sud du sahara. « Partout présents, mais domiciliés nulle part », constamment à la recherche de nouveaux points d’eau et de riches pâturages, le jour ils poussaient devant eux leurs grands bœufs à bosse, aux cornes en forme de lyre ou de croissant de lune, et le soir ils se livraient à des joutes d’improvisation poétique. Tantôt opprimés, dispersés en diasporas ou fixés par force dans des zones de concentration, tantôt conquérants à leur tour et s’organisant en royaumes, ils parviendront après leur islamisation, à fonder de grands empires : entre autres l’Empire du Sokoto (région du Nigéria) fond au XVIIIème siècle par Ousmane dan Fodio, et l’Empire Peul du Macina (région du Mali) fondé au début du XIXème siècle par Cheikou Amadou, au cœur du fertile delta intérieur du Niger.
Des siècles avant la fondation de ce dernier empire, des vagues successives de Peuls pasteurs, venant surtout du Fouta Toro et du Ferlo Sénégalais, attirées par les vastes prairies herbeuses du Macina, étaient venues s’y fixer. »
« Quand, en 1818, Cheikou Amadou fonda dans le pays la dîna, ou Etat islamique, que les historiens ont appelée « l’empire peul théocratique du Macina », la population de tout le delta du Niger était déjà à dominante peule. Mes ancêtres paternels, les Bâ et les Hamsalah, qui occuperaient des fonctions de chefferie dans le Fakala, prêtèrent serment d’allégeance à Cheikou Amadou. Ils n’en continuaient  pas moins de pratiquer l’élevage, car aucun peul digne de ce nom, même sédentarisé, ne saurait vivre sans s’occuper plus ou moins d’un troupeau, non point tant pour des raisons économiques que par amour ancestral pour l’animal frère, presque sacré, qui fut son compagnon depuis l’aube des temps : « Un Peul sans troupeau est un prince sans couronne », dit l’adage.
La communauté de la dîna, créée sur le modèle de la première communauté musulmane de Médine, prospéra pendant vingt-huit ans sous la conduite éclairée de Cheikou Amadou. 

vendredi 16 janvier 2015

Mamadou Dokoré Bah

La Dame du Mali au Fouta Djallon en Guinée

Dans un village, vivait une jeune fille à la beauté rare et captivante.A la fleur de l’age elle devait se marier et beaucoup de candidats se pressèrent. Parmi eux, elle accepta seulement un jeune marabout d’une grande réputation et ils se promirent fidélité pour la vie. Mais un autre jeune au charme dévastateur utilisa son pouvoir de séduction pour troubler la jeune femme. Celle-ci lui demanda quelques jours de réflexion. Après plusieurs nuits où son âme lui torturait, elle se dit :’’si fidélité devait durer éternellement, alors l’eau n’aurait jamais trahi le poisson auquel elle a donné la vie caron fait bouillir le poison dans l’eau.’’ Elle décida de céder donc aux avances du jeune homme. Dans la nuit du jeudi au vendredi, elle prépara un plat succulent pour celui-ci et demanda a son mari si elle pouvait l’apporter à ses parents. Son époux ne fut pas dupe et refusa catégoriquement. Par désespoir, elle quitta tard dans la nuit le domicile conjugal pour les ténèbres. Lorsque le marabout se réveilla, il se rendit compte de l’ absence de sa femme et partit seul chercher de l’eau pour ses ablutions. Furieux, avant d’aller à la mosquée, il consulta l’un de ses livres coraniques les plus néfastes, écrit au sang de caméléon puis implora Dieu de châtier sa femme pour sa trahison lors d’un vendredi saint. Le marabout demanda au Tout- Puissant que le monde puisse observer cette pécheresse nue dans son déshonneur. Sa prière fut exhaussée et sa femme transformée en la Dame du Mali, destinée à contempler avec désolation les plaines environnantes jusqu’à la fin des temps.

mercredi 17 décembre 2014

Mamadou Dokoré Bah

Végétation
En vérité, un seul obstacle eût été rédhibitoire pour les Peuhls, et il faut bien dire que sous cette latitude il serait tout naturel, c’est la forêt. Car celle-ci, surtout la forêt vierge, tropicale, est hostile au parcours. Et les Peuhls, passionnés du bétail, renonceraient à l’Eden plutôt qu’à une vache. Or, il n’y a pas un seul lambeau de vraie forêt dans ces montagnes. A tel point qu’on peut se demander s’il y en il jamais eu.
Le climat actuel, avec sa saison sèche si longue, est celui qui convient à la savane arborée. A quoi les forestiers rétorquent : c’est la destruction de la forêt par l’homme qui est cause de cette péjoration climatique. Nous prouvons que le Fouta fut jadis le domaine de la grande forêt: d’abord par les essences des galeries forestières, le long des marigots permanents; ensuite par les îlots de forêt qui se reconstituent spontanément et très vite dans nos parcelles réservées ou classées, à condition que nous les protégions sévèrement contre les feux de brousse des paysans noirs: c’est le cas des environs de Dalaba où sont revenues les fougères arborescentes elles-mêmes.
Enfin, jusque dans les contrées les plus épuisées et dégradées, comme le plateau des Timbi, la coupe du sol révèle des horizons superposés qui sont le témoin irrécusable de la forêt disparue. Bref, aujourd’hui, il ne reste plus que trois types essentiels de paysages végétaux : la brousse, plus ou moins arborée suivant le cas: buruure si elle n’est que taillis, fitaare si elle a des allures de bois,c’est ce que l’on brûle pour que la cendre végétale fertilise le sol du lougan. La prairie, clairsemée de Kouras (Parinarium excelsum) au port de chêne, et de Télis (Erythrophleum guineense), tantôt sur la bordure inondable le long des marigots (dunkiire), tantôt sur l’argile tapissant un plateau (hollaande), tantôt sur les sables qui colmatent une dépression (ndantaari).
Dans certains cas, cette prairie, tels le « hollaande » du plateau de Labé, est si dégarnie qu’on a peine à y trouver le bois nécessaire à un feu domestique: un des premiers blancs qui y furent, Hecquart, s’en plaignait déjà en Juillet 1851.
Reste enfin le boowal quand le ruissellement arrachant sables, argiles et limons laisse à nu la cuirasse latéritique. C’est une vaste surface désertique et torride en saison sèche, jalonnée par les champignons des termitières. Les cynocéphales s’égayent en aboyant à l’approche du voyageur toujours pressé de fuir cette étendue désolée. En hivernage toutefois les graminées consentent à y verdir. Ce qui est évident, c’est que le bowal existe depuis de très longs siècles. Si forêt il y a eu (et cela est plus que probable), il est certain qu’elle était déjà très attaquée par les occupants antérieurs, vrais responsables de l’affreux massacre.
Au contraire, c’est à coup sûr parce que sur les trois quarts de la superficie du Fouta-Djalon ils ont trouvé le boowal que les Peuhls sont venus.

Climat
Heureusement, le climat foutanien est devenu plus humain. Grâce à sa latitude et à sa position, le massif est fort arrosé, en été, sans être privé de la salubre saison sèche d’hiver. Par l’altitude surtout, il échappe aux funestes effluves de la Basse-Côte. Il ignore la fournaise du printemps soudanais et connaît par contre des températures aux matins de janvier exceptionnellement basses pour un pays tropical. Quel saisissant contraste entre le haut plateau et les profondes vallées qui s’insinuent à ses pieds: celles du Sud: Kolenté, Konkouré, Kakrima où remontent au Nord les moiteurs funestes de la Côte; celles du Nord: Koumba, Bafing où pénètre l’atmosphère torride des contrées soudaniennes.
L’air du Fouta est rigoureusement desséché de décembre à février par l’harmattan, le souffle du désert. L’hygromètre descend terriblement bas certains jours de janvier.Par contre, lorsque le soleil passe au zénith, vers avril et septembre, surviennent les « tornades ». N’imaginons rien de la brutalité des tornades américaines ou des typhons asiatiques: de bons orages de chez nous, mais dons du ciel combien précieux.
Grâce aux premiers germent les graines de céréales. Les derniers font gonfler la moisson.Le véritable hivernage ne vient qu’en juillet et jusqu’en septembre: alors s’établit le grand vent marin du Sud-Ouest : l’enfer saharien appelle l’air de l’Océan dont la grosse masse est rafraîchie par l’hiver austral : c’est la mousson ; alourdies d’eau tiède, les couches de sombres nuées accourent en vagues successives à l’assaut des murailles. Elles déversent 4, 5 mètres parfois plus d’eau sur les premiers obstacles, en quelques semaines, par exemple à Dubréka, au pied du mont Kakoulima. Elles se faufilent au cœur du Fouta par les vallées de la Fatala, du Konkouré, du Kokoulo, de la Kakrima, de la Kolenté qui connaissent elles aussi les déluges, égayés il est vrai par quelques éclatants rayons de soleil. Mais l’ouate épaisse reçoit d’incessants renforts qui attaquent la montagne elle-même, se hissent et enfin déferlent à toute vitesse sur les plateaux et les sommets: Dalaba, Mali peuvent rester des semaines entières dans le brouillard, grelottantes, assombries et ruisselantes.
Bref, bon an mal an, Dalaba reçoit 2.035 millimètres, Pita 1.882, Labé 1.764, Mali 1.893. Si Télimélé, plus basse et en plein vent du Sud-Ouest en reçoit 2,.470, Tougué, au contraire, abritée, au Nord-Est, se contente de 1.660, ce qui en six mois est encore trois fois plus qu’à Paris en un an. Comparons avec la Basse-Côte: Dubréka encore, près de Conakry reçoit 4.600 et Dakar 580 mm! Ici, le juste milieu. C’est grâce à cette pluie et à l’altitude que l’hivernage est frais: la moyenne de juillet à Mali est de 18°6, nettement moins qu’àMarseille. Tandis que Bamako est à 27°3. En saison sèche, Mali a 20°13 en janvier, Mamou, dans un creux, 22°4. Mais ce sont les écarts quotidiens qui sont étonnants à cette époque.
Les bananiers indigènes jaunissent. Transis, les indigènes se blottissent contre les brasiers. Au contraire, à partir de 10 heures, un soleil éclatant grille tout. Le sol, rouge de latérite, est si brûlant que les Foutaniens eux-mêmes renoncent à marcher pieds nus. Les maxima absolus restent néanmoins très humains: 38° seulement à Mamou, la plus défavorisée des stations. Au fort de la chaleur, les stations du Fouta sont le meilleur refuge pour les blancs de l’A.O.F: la Compagnie des Chargeurs réunis a aménagé à Dalaba un hôtel renommé. Quelles délicieuses veillées de printemps, lorsque l’Océan souffle sa brise rafraîchissante du soir. Comment s’étonner que le Peuhl se soit laissé séduire? Au surplus, l’eau ne manque jamais jusqu’à la fin de la saison sèche, le Fouta-Djalon s’anime du murmure de ses sources et du grondement de ses écumantes cascades: les grès emmagasinent tant de pluie en hivernage.
Aujourd’hui, des envahisseurs d’un nouveau genre ne parlent-ils pas de houille blanche en franchissant dans un nuage d’écume les passerelles frémissantes du Kin-Kon?

mercredi 10 décembre 2014

Mamadou Dokoré Bah

CLIMAT DE FOUTA DJALLON


Heureusement, le climat foutanien est devenu plus humain. Grâce à sa latitude et à sa position, le massif est fort arrosé, en été, sans être privé de la salubre saison sèche d’hiver. Par l’altitude surtout, il échappe aux funestes effluves de la Basse-Côte. Il ignore la fournaise du printemps soudanais et connaît par contre des températures aux matins de janvier exceptionnellement basses pour un pays tropical. Quel saisissant contraste entre le haut plateau et les profondes vallées qui s’insinuent à ses pieds: celles du Sud: Kolenté, Konkouré, Kakrima où remontent au Nord les moiteurs funestes de la Côte; celles du Nord: Koumba, Bafing où pénètre l’atmosphère torride des contrées soudaniennes.
L’air du Fouta est rigoureusement desséché de décembre à février par l’harmattan, le souffle du désert. L’hygromètre descend terriblement bas certains jours de janvier.Par contre, lorsque le soleil passe au zénith, vers avril et septembre, surviennent les « tornades ». N’imaginons rien de la brutalité des tornades américaines ou des typhons asiatiques: de bons orages de chez nous, mais dons du ciel combien précieux.
Grâce aux premiers germent les graines de céréales. Les derniers font gonfler la moisson.Le véritable hivernage ne vient qu’en juillet et jusqu’en septembre: alors s’établit le grand vent marin du Sud-Ouest : l’enfer saharien appelle l’air de l’Océan dont la grosse masse est rafraîchie par l’hiver austral : c’est la mousson ; alourdies d’eau tiède, les couches de sombres nuées accourent en vagues successives à l’assaut des murailles. Elles déversent 4, 5 mètres parfois plus d’eau sur les premiers obstacles, en quelques semaines, par exemple à Dubréka, au pied du mont Kakoulima. Elles se faufilent au cœur du Fouta par les vallées de la Fatala, du Konkouré, du Kokoulo, de la Kakrima, de la Kolenté qui connaissent elles aussi les déluges, égayés il est vrai par quelques éclatants rayons de soleil. Mais l’ouate épaisse reçoit d’incessants renforts qui attaquent la montagne elle-même, se hissent et enfin déferlent à toute vitessesur les plateaux et les sommets: Dalaba, Mali peuvent rester des semaines entières dans le brouillard, grelottantes, assombries et ruisselantes.
Bref, bon an mal an, Dalaba reçoit 2.035 millimètres, Pita 1.882, Labé 1.764, Mali 1.893. Si Télimélé, plus basse et en plein vent du Sud-Ouest en reçoit 2,.470, Tougué, au contraire, abritée, au Nord-Est, se contente de 1.660, ce qui en six mois est encore trois fois plus qu’à Paris en un an. Comparons avec la Basse-Côte: Dubréka encore, près de Conakry reçoit 4.600 et Dakar 580 mm! Ici, le juste milieu. C’est grâce à cette pluie et à l’altitude que l’hivernage est frais: la moyenne de juillet à Mali est de 18°6, nettement moins qu’à Marseille. Tandis que Bamako est à 27°3. En saison sèche, Mali a 20°13 en janvier, Mamou, dans un creux, 22°4. Mais ce sont les écarts quotidiens qui sont étonnants à cette époque.
Les bananiers indigènes jaunissent. Transis, les indigènes se blottissent contre les brasiers. Au contraire, à partir de 10 heures, un soleil éclatant grille tout. Le sol, rouge de latérite, est si brûlant que les Foutaniens eux-mêmes renoncent à marcher pieds nus. Les maxima absolus restent néanmoins très humains: 38° seulement à Mamou, la plus défavorisée des stations. Au fort de la chaleur, les stations du Fouta sont le meilleur refuge pour les blancs de l’A.O.F: la Compagnie des Chargeurs réunis a aménagé à Dalaba un hôtel renommé. Quelles délicieuses veillées de printemps, lorsque l’Océan souffle sa brise rafraîchissante du soir. Comment s’étonner que le Peuhl se soit laissé séduire? Au surplus, l’eau ne manque jamais jusqu’à la fin de la saison sèche, le Fouta-Djalon s’anime du murmure de ses sources et du grondement de ses écumantes cascades: les grès emmagasinent tant de pluie en hivernage.
Aujourd’hui, des envahisseurs d’un nouveau genre ne parlent-ils pas de houille blanche en franchissant dans un nuage d’écume les 
VÉGÉTATION DE FOUTA DJALLON

En vérité, un seul obstacle eût été rédhibitoire pour les Peuhls, et il faut bien dire que sous cette latitude il serait tout naturel, c’est la forêt. Car celle-ci, surtout la forêt vierge, tropicale, est hostile au parcours. Et les Peuhls, passionnés du bétail, renonceraient à l’Eden plutôt qu’à une vache. Or, il n’y a pas un seul lambeau de vraie forêt dans ces montagnes. A tel point qu’on peut se demander s’il y en il jamais eu.
Le climat actuel, avec sa saison sèche si longue, est celui qui convient à la savane arborée. A quoi les forestiers rétorquent : c’est la destruction de la forêt par l’homme qui est cause de cette péjoration climatique. Nous prouvons que le Fouta fut jadis le domaine de la grande forêt: d’abord par les essences des galeries forestières, le long des marigots permanents; ensuite par les îlots de forêt qui se reconstituent spontanément et très vite dans nos parcelles réservées ou classées, à condition que nous les protégions sévèrement contre les feux de brousse des paysans noirs: c’est le cas des environs de Dalaba où sont revenues les fougères arborescentes elles-mêmes.
Enfin, jusque dans les contrées les plus épuisées et dégradées, comme le plateau des Timbi, la coupe du sol révèle des horizons superposés qui sont le témoin irrécusable de la forêt disparue. Bref, aujourd’hui, il ne reste plus que trois types essentiels de paysages végétaux : la brousse, plus ou moins arborée suivant le cas: buruure si elle n’est que taillis, fitaare si elle a des allures de bois,c’est ce que l’on brûle pour que la cendre végétale fertilise le sol du lougan. La prairie, clairsemée de Kouras (Parinarium excelsum) au port de chêne, et de Télis (Erythrophleum guineense), tantôt sur la bordure inondable le long des marigots (dunkiire), tantôt sur l’argile tapissant un plateau (hollaande), tantôt sur les sables qui colmatent une dépression (ndantaari).
Dans certains cas, cette prairie, tels le « hollaande » du plateau de Labé, est si dégarnie qu’on a peine à y trouver le bois nécessaire à un feu domestique: un des premiers blancs qui y furent, Hecquart, s’en plaignait déjà en Juillet 1851.
Reste enfin le boowal quand le ruissellement arrachant sables, argiles et limons laisse à nu la cuirasse latéritique. C’est une vaste surface désertique et torride en saison sèche, jalonnée par les champignons des termitières. Les cynocéphales s’égayent en aboyant à l’approche du voyageur toujours pressé de fuir cette étendue désolée. En hivernage toutefois les graminées consentent à y verdir. Ce qui est évident, c’est que le bowal existe depuis de très longs siècles. Si forêt il y a eu (et cela est plus que probable), il est certain qu’elle était déjà très attaquée par les occupants antérieurs, vrais responsables de l’affreux massacre.
Au contraire, c’est à coup sûr parce que sur les trois quarts de la superficie du Fouta-Djalon ils ont trouvé le boowal que les Peuhls sont venus.